The Descendants (2011) est un film d’Alexander Payne inspiré du roman du même nom, écrit par Kaui Hart Hemmings. Cette comédie dramatique évoque en toile de fond la question de la planification successorale (estate planning) [1] dans le cadre de la constitution d’un trust [2]. L’histoire se déroule à Hawaï. Le héros du film, un avocat, Matt King (George Clooney), est à la fois le trustee [3] et l’un des bénéficiaires d’un trust constitué par ses aïeux au 19ème siècle. Ses arrière-arrière-grands-parents, une princesse hawaïenne, Margaret Ke’alohilani (nom inventé pour l’histoire) et un banquier, Edward King, fils de missionnaires blancs, lui ont laissé ainsi qu’à ses cousins un patrimoine consistant en plus de 10 000 hectares de terres encore vierges sur l’île de Kauai dans l’archipel d’Hawaï.
Au début du film, on est à sept ans de la dissolution du trust. En vertu d’une règle de common law, la «Rule Against Perpetuities» (règle contre les perpétuités) [4] datant du 17ème siècle, le trust familial est limité dans le temps et cesse d’exister au plus tard 21 ans après la mort d’une ou plusieurs personnes vivantes spécialement désignées, ou à défaut 21 ans après la constitution du trust [5]. Matt King est parfaitement conscient des complications qu’entraînerait un partage des terres entre lui et ses cousins, et qui aboutirait sans aucun doute à une procédure judiciaire longue et coûteuse. Il s’oriente pour cette raison, après consultation de ses cousins, vers la vente des terres familiales. En tant que trustee, il a seul le pouvoir de prendre la décision de vendre. Deux acheteurs potentiels se manifestent : un groupe de Chicago, qui fait la meilleure offre (un demi-milliard de dollars), et un homme d’affaire originaire de Kauai qui a la faveur de la majorité des bénéficiaires.
La vie de Matt King est bouleversée lorsque sa femme, Elizabeth, en quête de sensation forte, a un accident de ski nautique et sombre dans le coma. L’avocat doit prendre en charge ses deux filles Scottie et Alexandra, âgées de 10 et 17 ans, dont il s’était éloigné. Il découvre dans le même temps que sa femme avait une liaison et envisageait de le quitter. Commence alors une escapade familiale sur l’île Kauai pour retrouver l’amant de sa femme dont l’état est désespéré. En quelques jours, au fil des rencontres, Matt King se remet en question, reprend sa place de père. Il s’interroge sur ses racines hawaïennes et la destinée que ses ancêtres auraient souhaitée pour ce coin de paradis. A la surprise générale, il refuse finalement, contre l’avis de la majorité de ses cousins, la vente des terres familiales en affirmant que son rôle est avant tout de préserver la terre encore dans un état naturel. La véritable motivation du trustee pour refuser la vente reste à la fin du film confuse. Matt King a en effet découvert que l’agent immobilier qui aurait profité de la vente était l’amant de sa femme…
Ce film a le mérite de mettre en lumière le rôle délicat du trustee qui doit à la fois concilier la volonté du settlor (constituant) et l’intérêt de tous les bénéficiaires (beneficiaries). Le réalisateur Alexander Payne a fait appel à un professeur de l’université d’Hawaii, Randall Roth, spécialisé dans le droit des trusts pour vérifier les points juridiques qui sont abordés [6]. Le film se termine sur une note positive avec le rapprochement père-filles et la préservation des terres familiales d’un énorme projet de construction. Dans la réalité, Matt King serait probablement poursuivi peu après en justice par les bénéficiaires et, selon Randall Roth, aurait toutes les chances de perdre le procès [7].
1. [↑] Voir l’article George Clooney Makes Estate Planning Sexy, de Deborah L. Jacobs, magazine Forbes, 23 février 2012.
2. [↑] Très répandu dans les pays de common law, le trust représente le rapport juridique créé par un settlor (≈ constituant) lorsqu’il confie des biens patrimoniaux à un (ou plusieurs) trustee(s) afin qu’il(s) les gère(nt) dans l’intérêt d’un ou plusieurs bénéficiaire(s).
3. [↑] Le trustee est la «personne de confiance» chargée de d’administrer, de gérer et de disposer du patrimoine d’un trust. Il a seul compétence pour prendre des décisions relatives au trust en gardant à l’esprit la volonté du settlor (constituant) qui a transmis ses biens et en agissant dans l’intérêt de tous les bénéficiaires (beneficiaries).
4. [↑] Voir l’article Shifting Rules Add Luster to Trusts, de Carole Gould, The New York Times, 29 octobre 2000 ; l’article The Ins and Outs of Trusts That Last Forever, de Paul Sullivan, The New York Times, 5 décembre 2014 , l’article Death by a Thousand Cuts: The Rule against Perpetuities, Angela M. Vallario, Journal of Legislation, volume 25, numéro 2, article 3, 2015.
5. [↑] Idem Carole Gould, 29 octobre 2000 ; idem Paul Sullivan, 5 décembre 2014 ; idem Angela M. Vallario, 2015.
6. [↑] Idem, Deborah L. Jacobs, 23 février 2012 ; voir l’article Deconstructing The Descendants: How George Clooney Ennobled Old Hawaiian Trusts and Made the Rule Against Perpetuities Sexy, de Randall Roth, Real Property, Trust and Estate Law Journal, volume 48, numéro 2, automne 2013, pages 291-319.
7. [↑] Idem, Randall Roth, 2013, pages 291-319.