Les paris des bookmakers concernant un éventuel impeachment (destitution) du président américain Donald Trump avant la fin de son mandat n’ont cessé d’augmenter ces derniers mois. Lors de son élection en novembre 2016, la cote en faveur de sa destitution est de 3 contre 1 [1]. Mi janvier 2017, elle est passée à 2 contre 1 [2]. Suite au limogeage du directeur du FBI, James Comey, la cote chez les bookmakers est désormais de 5 contre 3, soit 60% de chance [3] (chiffres de la société de paris anglaise Ladbrokes).
Actualité oblige, un retour sur l’origine et les modalités de la procédure d‘impeachment paraît utile. Depuis la naissance des Etats-Unis, plusieurs procédures d’impeachment ont été engagées à l’encontre de présidents américains. A ce jour, aucune n’a abouti.
L’origine de l’impeachment
La procédure d’impeachment trouve son origine en Angleterre. Elle est un moyen pour la Chambre des communes d’engager la responsabilité de hautes personnalités, notamment les ministres de la Couronne. La plus ancienne procédure de destitution dont on ait conservé la trace est celle de William Latimer, 4e baron Latimer, accusé de corruption en 1376 et destitué par le «Bon Parlement».
Elle est utilisée moins de 70 fois dans l’histoire britannique et, pour la dernière fois, en 1806 à l’encontre de Henry Dundas, 1er vicomte Melville, finalement acquitté. Elle est tombée depuis en désuétude.
Une procédure prévue par la Constitution américaine
Selon l’article 2, section 4 de la constitution américaine, «le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs».
Cette procédure peut donc viser, au-delà du président ou son vice-président, l’ensemble des fonctionnaires civils des Etats-Unis (juges fédéraux, membres du cabinet, etc.). Toutefois, elle a été rarement mise en œuvre.
Elle fait partie du système de checks and balances (poids et contrepoids) qui permet aux différents pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) de se contrebalancer les uns les autres. En l’occurrence, elle offre la possibilité au pouvoir législatif de sanctionner les abus de hauts responsables de l’exécutif ou de juges fédéraux (y compris les juges de la Cour Suprême). La constitution ne précise pas l’ensemble des faits répréhensibles pouvant entraîner une procédure de destitution (fautes politiques, pénales..).
La peine prononcée ne peut consister qu’en la révocation des fonctions et l’interdiction de tout poste public au niveau fédéral (article 1, section 3, clause 7). Ainsi, la personne révoquée à l’issue d’une procédure de destitution peut encore avoir à répondre des mêmes faits devant les juridictions de droit commun (pénales ou civiles) (article 1, section 3, clause 7).
Le déroulement de la procédure d’impeachment
Le mécanisme de destitution se déroule en deux étapes, l’une devant la Chambre des représentants, l’autre devant le Sénat.
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Seule la Chambre des représentants peut engager une procédure d’impeachment (article 1, section 2, clause 5 de la constitution). Une enquête officielle peut être menée par le House Judiciary Committee (Comité judiciaire de la Chambre des représentants).
A l’issue des investigations, la Chambre des représentants se prononce à la majorité simple sur chacun des articles d’impeachment retenus et décide ou pas de la «mise en accusation» solennelle et du renvoi pour être jugé devant le Sénat. On dit que la personne est à ce stade «impeached».
A ce jour, deux présidents des Etats-Unis (Andrew Johnson en février 1868 et Bill Clinton en décembre 1998), un sénateur, un membre de cabinet et quinze juges ont été mis en accusation et renvoyés pour être jugés devant le Sénat.
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Le procès en destitution (impeachment trial) se tient devant le Sénat (article 1, section 3, clause 6). Les sénateurs doivent prêter serment avant l’audience. Les débats sont présidés par le président de la Cour Suprême si la personne jugée est le président des États-Unis.
Les débats se déroulent de manière contradictoire comme un procès classique (possibilité d’appeler des témoins, etc.). La déclaration de culpabilité est prononcée par le Sénat à la majorité des deux-tiers.
Les procédures d’impeachment à l’encontre de Présidents des Etats-Unis
Andrew Johnson, 17ème président des Etats-Unis, est le premier président à faire l’objet d’une procédure de destitution en 1868. Après sa mise en accusation par la Chambre des représentants, il échappe à une voix près à sa destitution par le Sénat. Il est reproché au démocrate d’avoir limogé le secrétaire d’Etat à la Guerre Edwin M. Stanton, en violation du Tenure of Office Act adopté l’année précédente par le Congrès.
Une seconde procédure d’impeachment fondée sur une entrave à la justice à l’encontre du président Richard Nixon débute en mai 1974 après le scandale des écoutes du Watergate. Le Président Nixon décide cependant de démissionner le 9 août 1974 avant le vote de la Chambre des représentants, mettant ainsi fin à la procédure.
Le démocrate Bill Clinton est le dernier président à avoir été mis en accusation par la Chambre des Représentants en 1998 pour parjure et obstruction à la justice au sujet de sa liaison avec Monica Lewinski. Il a été acquitté en 1999 lors de son procès devant le Sénat.
1. [↑] Voir l’article Bookmakers have slashed the odds of Donald Trump being impeached, de Chloe Farand, Independant,, 13 février 2017.
L’article se réfère à Ladbrokes, la plus grande société de paris britannique, située Harrow, près de Londres.
2. [↑] Voir l’article Bookies offer ‘even odds’ for Donald Trump being impeached while US President, de Rachael Revesz, Independant, 17 janvier 2017.
3. [↑] Voir l’article Donald Trump ‘has 60% chance’ of being impeached after James Comey firing, de Jon Sharman, Independant, 11 mai 2017.
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