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L’origine et le développement des systèmes de Common law et d’equity (I)

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Jusqu’en 1875, deux systèmes juridiques coexistent en Angleterre et au Pays de Galles [1] : le système de common law qui apparaît au 11ème-12ème siècle, et celui de l’equity au cours du 14ème siècle. L’un et l’autre découlent de la même source de droit, le Roi en son Conseil (the King in Council) [2]. Ils évoluent parallèlement jusqu’à la fin du 19ème siècle.

En 1876, les juridictions de common law et d’equity fusionnent. Les différentes juridictions peuvent désormais aussi bien appliquer les règles de common law que celle dérivant de l‘equity. Le principe est qu’en cas de conflit entre des règles issues du common law et de l’equity, c’est l’equity qui prévaut.

La naissance du système de common law

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La bataille d’Hasting, Tapisserie de Bayeux datant de la période 1066 à 1082, Bayeux Museum

Après la bataille d’Hasting en 1066, le nouveau Roi d’Angleterre, William the Conqueror (règne de 1066-1087), couronné à l’abbaye de Westminster à Londres, laisse subsister le droit coutumier local en vigueur avant l’invasion ainsi que les cours de justice existantes [3] mais entame dans le même temps un processus de centralisation [4].

Guillaume le Conquérant
Le Roi Guillaume le Conquérant, peinture de 1590-1610, National Portrait Gallery

Pour gouverner, il s’appuie sur un conseil royal (King’s Council) appelé Curia Regis (Cour du Roi en latin) composé de nobles et d’ecclésiastiques. La Curia Regis constitue également une cour de justice itinérante présidée par le Roi qui le suit dans ses déplacements et juge des affaires civiles ou pénales. Elle est cependant essentiellement une cour pour «les grands hommes et les grandes causes» [5] (notamment le procès de Waltheof, comte de Northumbrie en 1075).

Le Conseil du Roi en formation restreinte (lesser ou small curia regis) rassemble des hommes de confiance du Roi. En formation plénière (great curia regis), c’est une grande assemblée féodale, ancêtre du parlement anglais, qui comprend les seigneurs concédants (tenants-in-chief), les grands officiers de la couronne et des ecclésiastiques.

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Le Roi Henry Ier d’Angleterre, peinture de 1590-1610, National Portrait Gallery

Progressivement, les Rois d’angleterre délèguent une partie de leur pouvoir judiciaire à des juges. Henry I (règne de 1100-1135) commence à envoyer des juges itinérants («itinerant justices» ou «justices in eyre»), membres de la Curia regis, aux quatre coins du Royaume pour rendre la justice en son nom. Ces juges tiennent également des audiences au nom du Roi au sein de la lesser curia regis.

Le Roi Henry II (règne de 1154-1189) a un rôle majeur dans le développement du common law. Au début de son règne, la justice est encore essentiellement contrôlée par les seigneurs locaux. Par des réformes judiciaires importantes, il affirme la justice royale et pose les bases du common law.

Il développe la pratique des juges itinérants (General Eyres). Ceux-ci sont désormais plus nombreux et plus actifs [6]. Des groupes de juges commencent à parcourir périodiquement l’ensemble du territoire réparti en «circuits» judiciaires. Ils tiennent des audiences dans chaque comté pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines. Lorsqu’ils retournent à Westminster, ces juges évoquent les coutumes locales rencontrées, celles méritant d’être retenues et celles devant être écartées [7].

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Le Roi Henry II d’Angleterre, peinture de 1597-1618, National Portrait Gallery

Henry II institutionnalise également le jury sous ses deux formes : le jury d’accusation (jury of presentment, ou grand jury) et le jury de jugement [8].

Dans l’Assise (≈ Ordonnance) de Clarendon en 1166, il crée le «Grand Jury» composé d’hommes libres de la communauté locale chargés de signaler aux juges itinérants les personnes soupçonnées d’avoir enfreint la loi (voleurs, meurtriers, etc). Suite à l’Assise de Northampton de 1176, ce jury aura également la mission de mettre les personnes soupçonnées en accusation (indictment). Le jury d’accusation voit alors le jour.

Le jury de jugement, sur le plan pénal, appelé petty jury, apparaîtra quant à lui lorsqu’il ne sera plus fait usage des ordalies ou du combat judiciaire (duel) pour décider de l’innocence ou de la culpabilité d’un accusé [9]. Sur le plan civil, Henry II introduit avec l’Assise de Novel Disseisin une procédure de règlement des litiges relatifs à la propriété foncière permettant aux personnes dépossédées de leurs terres par la force d’en solliciter la restitution. Un jury de douze hommes libres du voisinage est chargé de se prononcer sur les actions en revendication qui leur sont soumises.

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Writ d’Henry II, Durham Cathedral archives

Durant le règne d’Henry II, le nombre de writs judiciaires émis progresse [10]. Pour pouvoir engager un procès devant une juridiction royale, il est en effet nécessaire d’obtenir une autorisation du Roi d’assigner en justice. Le Roi contrôle ce faisant les conditions dans laquelle la justice royale est rendue non seulement en nommant les juges mais aussi en déterminant les demandes pouvant être soumises à la justice royale.

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Grand Sceau du Roi Henry II, Salisbury Cathedral archives

Ces actes ont donc trois fonctions essentielles : autoriser une action judiciaire particulière, déterminer précisément la compétence d’attribution du juge saisi et rendre obligatoire la comparution du défendeur. Les writs sont délivrés par le Chancelier du Roi ou les clercs de la chancellerie ou secrétariat royal (chancery). Le Chancelier est un membre du conseil du Roi, la plupart du temps un ecclésiastique. Il a la garde du Grand Sceau du Roi (Keeper of the Great Seal). Les writs sont ensuite adressés au shériff du comté du défendeur avec ordre de le sommer soit de faire droit à la demande soit de se présenter devant la cour pour justifier son refus. Ils sont ensuite renvoyés à la cour concernée. Dans le cadre du procès, les juges doivent vérifier si l’affaire rentre bien dans les limites fixées par le writ [11]. Très tôt, la procédure prend une place importante dans le système de common law naissant.

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Dans l’ordre : la Cour des Plaids communs, la Cour de l’Echiquier, la Cour du Banc du Roi, manuscrits datant a priori de 1460, The Inner Temple Library

La Curia regis (1066-1215) qui évolue en parlement d’Angleterre (1215-1707), va donner naissance aux principales institutions judiciaires du Royaume et notamment aux juridictions de common law.

La Cour de l’Echiquier (Court of the Exchequer ou Exchequer of Pleas) va ainsi, au cours du 12ème-13ème, progressivement se détacher de la Curia Regis pour devenir une cour de justice autonome spécialisée dans les finances publiques (impôts, amendes, douanes, etc). Les juges la composant portent le nom de «Barons de l’Echiquier» (Barons of the Exchequer), le grand juge de l’Echiquier celui de «Chief Baron of the Exchequer» [12].

La Cour des Plaids communs (Common Bench, appelée plus tard Court of Common Pleas) est une juridiction civile traitant des litiges entre particuliers (recouvrement de dettes, propriété foncière) à l’exception des affaires intéressant la Couronne. Suite à la Magna Carta (1215), ses audiences se déroulent au Palais de Westminster. La charte précise en effet que la Cour des plaids communs ne suivra plus la cour du Roi et se tiendra dans un lieu fixe (article 17) [13].

La Cour du Banc du Roi (Court of King’s Bench) est la troisième juridiction de common law. Elle tire son nom du banc surélevé sur lequel s’asseyait le Roi lorsqu’il présidait la Cour. Elle a vocation en gros à évoquer les affaires intéressant la Couronne. Ses attributions ont évolué au cours des siècles à plusieurs reprises. Elles ont notamment augmenté aux dépens de la Cour des Plaids communs (notamment les violations de propriété privée). Elle juge des affaires pénales et de manière générale toutes les atteintes à la sûreté de l’État [14].

Petit à petit, les juges vont élaborer un droit commun («common law») à l’ensemble des sujets du Royaume par opposition aux coutumes locales très disparates. Ils adoptent la règle du précédent (ou «stare decisis» [15]) selon laquelle les juges doivent appliquer les règles de droit dégagées par des décisions antérieures dans un cas similaire.

à suivre…


1. [↑] Jusqu’au 13ème siècle, les Rois normands puis angevins ne cherchent pas particulièrement à imposer leur autorité sur le territoire du Pays de Galles. De 1216 à 1536, le Pays de Galles est une principauté fondée par Llywelyn le Grand. Edouard Ier entreprend à partir de 1277 de la conquérir et l’annexe en 1283. Ene Statut de Rhuddlan (en anglais Statute of Rhuddlan), introduit dans le système juridique gallois des éléments de la common law (notamment la totalité du droit pénal). Une partie du droit gallois (coutumes) est maintenu notamment en matière de succession, de contrats, etc.

2. [↑] Voir l’article «L’équité en droit anglo-américain» de Pasley Robert S. dans la Revue internationale de droit comparé, volume 13, numéro 2, Avril-juin 1961, pp. 292-299.

3. [↑] Il interdit aux tribunaux civils de juger les affaires ecclésiastiques. Il sépare donc les affaires ecclésiastiques des affaires séculières et établit les tribunaux ecclésiastiques. Voir : les ouvrages «Cours d’histoire des états européensdepuis le bouleversement de l’Empire romain d’Occident jusqu’en 1789» de Maximilian Samson Friedrich Schöll, 1830, pp. 220 ; «Tableau de la constitution, des lois et du gouvernement du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande», Nicolas Wanostrocht, 1824, pp. 182-183 ; l’article Development of the Anglo-American Judicial System de George Jarvis Thompson, Cornell Law Review, Volume 17, numéro 1, Décembre 1931, pp. 17-18.

4. [↑] Voir notamment l’article «La civilisation de la common law» de Glenn H.Patrick dans la Revue internationale de droit comparé, volume 45, numéro 3, Juillet-septembre 1993, pp. 559-575.

5. [↑] Voir l’ouvrage The History of English Law before the Time of Edward I, volume 1, de Frederic William Maitland et Frederick Pollock, 1898 : «In the main that court was a court only for the great men and the great causes.» pp. 108.

6. [↑] Voir l’ouvrage The Penguin History of Britain: The Struggle for Mastery, 2003 de David Carpenter, 2003. Ce système des «assizes» perdure jusqu’en 1971 : voir l’article History of the judiciary sur le site internet www.judiciary.gov.uk.

7. [↑] Voir l’ouvrage English Legal Systemde Catherine Elliott, 2007, pp. 9.

9. [↑] Voir l’article précédent Le jury dans les systèmes judiciaires anglais et américain (I).

10. [↑] Il existe différents types de writs : des writs administratifs ou judiciaires. Le writ délivré par la chancellerie (en latin : «breve originale», et «bref introductif d’instance» en français) permettant d’assigner en justice est appelé en anglais le «original writ» par opposition aux writs pouvant également être délivrés par les cours de justice elles-mêmes (judicial writ).

11. [↑]  Pasley Robert S. 1961, pp. 294 ; Glenn H.Patrick pp. 562.

12. [↑]  Voir l’ouvrage Des institutions judiciaires de l’Angleterre comparées avec celles de la France : et de quelques autres états anciens et modernes comparées avec celles de la France : et de quelques autres états anciens et modernes, Tome 2, par Joseph Rey, 1828, pp. 75.

13. [↑] Voir Joseph Rey, 1828, pp. 82.

14. [↑] Voir l’ouvrage le Dictionnaire politique : encyclopédie du langage et de la science politiques: encyclopédie du langage et de la science politiques, par une réunion de députés, de publicistes et de journalistes, publié par E. Duclerc et Pagnerre, 1842, pp. 141 ; Joseph Rey, 1828, pp. 76.

15. [↑] La maxime «Stare decisis et non quieta movere» : il faut s’en tenir à ce qui a été décidé et ne pas modifier ce qui existe.

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